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LES ADRESSÉS (SUITE)

Lulu la goûteuse

Perchée sur des hypothèses, elle cachait ses enthousiasmes en frôlant l’indélicatesse, mais trouvait encore un moyen de se sortir d’un mauvais pas en affirmant s’intéresser autant à l’infiniment petit qu’à l’infiniment gros, arguant qu’elle n’avait pas attendu la mode des archives pour payer son personnel ni pour rédiger une histoire entêtée de l’art. Elle régnait donc, goûtant aux avantages de sa profession, qui consistait à ranger des chevalets en toute impunité. Elle disait appartenir à un authentique marin, resté dans la mer des Sarcasmes, appelant à la rescousse les copines robustes. Le beurre blanc qui lui tenait de naufrage consentant la poussait à choisir l’incrédulité teintée de secousses plutôt que la théologie. Lulu la Goûteuse anticipait l’exposition de son butin, le sourcil haut, une plume dans le derrière.

La comtesse Vo

Je l’avais rencontrée entre deux lettres consacrées à la bienveillance. Son nom avait résonné durablement, il m’intriguait et je ne pouvais détacher mon oreille de cette syllabe énigmatique et crue. La comtesse sentait la dynamite. Aucune précision n’avait été apportée, d’où venait cette créature, de quel canton, quel château ? Etait-elle la fleur obsédée pliée comme un avion en papier prête à connaître un trajet dans le ciel ? Avait-elle quelques siècles dans son parcours, son nom était-il une erreur ? Ou plus simplement était-elle un leurre ? La comtesse Vo m’avait été présentée selon les grâces d’un canotier de mes amis, vicieux, joyeux et inadapté, poète libre et errant et qui répondait au doux nom d’Alexandre Meyrat Le Coz, arrière arrière petit fils d’un crocheteur de serrures, creusois qui savait berner son plus proche voisin comme il pouvait révéler ses qualités les plus cachées. La comtesse deviendrait une amie pince sans rire à l’imagination infiniment riche, rigoureuse comme le bel canto, baroque, respectable,

audacieuse, faisant de la plaisanterie sa biscotte pour chaque matin, du paradoxe son verre de vie chaque soir. La comtesse Vo se prêtait à des jeux fantastiques, se moquant de la faiblesse humaine et respirant sans se soucier du monde le parfum du soufre dans l’air austère. Oui ! Vo se montrait comédienne ravivant les couleurs sur son passage. Elle était un cocktail hors pair.

L’expositeur

A peine un saut dans le bouillon et notre indicateur de tendances nous réconciliait avec les nouveaux métiers de l’exposition dont le siège à R. les avait rendus célèbres, on insistait beaucoup sur leur sujet d’école, on assurait pouvoir exister au-delà du goût du jour, l’occasion faisait le larron, à supposer qu’on aime l’exercice c’était comme cela, l’éveil a un prix. Si l’on avait des lectures de prédilection, il fallait en changer immédiatement, les professeurs s’efforçaient d’endiguer les débordements, une épuration avait lieu chaque début de semestre, le président ne pouvait se permettre de rester au bout d’un fragment, car si l’accession aux métiers était rapide, les travaux scolaires ne supportaient pas la désinvolture.

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